Les cinq leçons du plus grand déploiement de caméras-piétons

sept. 30, 2020

Mike Ashby-Clarke est le responsable pays d’Axon pour le Royaume-Uni. Avant de travailler chez Axon, Mike était agent dans le Metropolitan Police Service (Met). En 2014, il était sergent à Camden, dans le nord de Londres, où il a vécu de près l’essai de caméras-piétons du Met dans 10 arrondissements. Lors du déploiement de 22 000 Axon Body 2 en 2016, Mike a assumé le rôle de responsable performance et gouvernance du projet. Cet article mêle supervision du projet et expérience opérationnelle pour expliquer les cinq principales leçons que Mike a tirées et qui peuvent contribuer à la réussite du déploiement de caméras-piétons :

  • Transformer les sceptiques en défenseurs
  • De l’importance du banc d’essai 
  • Emporter l’adhésion de la population 
  • Former les formateurs 
  • Faire la promotion du déploiement 

 

1 : la phase d’essai : transformer les sceptiques en défenseurs (et rendre les caméras obligatoires)

L’essai de caméras-piétons du Met, en partenariat avec le Mayor’s Office for Policing and Crime (MOPAC) et le College of Policing, a été le plus grand essai de ce type mené dans le monde. Il concernait 10 arrondissements et se concentrait sur les équipes d’intervention d’urgence. Les cinq équipes d’intervention d’urgence ont été réparties entre le groupe test, qui a été équipé de caméras (deux équipes), et le groupe témoin (trois équipes). Le Met a choisi d’adopter une approche de conseil, en recommandant aux agents ayant reçu des caméras de les porter, sans en faire une obligation. 

Dans tout déploiement d’une nouvelle technologie, il y a des partisans, des sceptiques et des personnes entre les deux. Mike raconte : « Nous avions notre lot de chaque. Et l’un des membres de mon équipe qui se fait le plus entendre, et qui n’était pas fan des caméras, a complètement revu son avis quand il a constaté comment elles protégeaient les agents. »

Cet agent a été impliqué dans une accusation de voie de fait. Lui et son collègue ont été accusés par une femme suspecte qu’ils emmenaient en garde à vue. L’affaire était si grave que, dans des circonstances normales, la police des polices aurait ouvert une enquête. Les agents auraient aussi été suspendus.

Cependant, les caméras des deux agents avaient enregistré l’incident. La vidéo a montré que l’accusation était sans fondement. La plaignante a été poursuivie pour avoir fait perdre du temps à la police et les agents n’ont pas eu à subir les désagréments professionnels et personnels d’une inspection professionnelle. « Cet incident a complètement fait changer d’avis l’agent », observe Mike. « Par la suite, tout le monde a commencé à porter sa caméra plus souvent et j’en ai retenu deux choses. Premièrement, que si certains agents sont des figures au sein du service, il vaut mieux essayer d’emporter leur adhésion pour qu’ils influencent les autres. Deuxièmement, étant donnée la protection que les caméras apportent aux agents, il est vraiment justifié de rendre leur port obligatoire tout au long de l’essai. Car enfin, plus les agents qui les portent son nombreux, plus il y aura de preuves à l’appui de l’analyse de rentabilisation. »

 

2 : la phase de déploiement : le succès réside dans la planification et la comparaison

À Londres, le soutien aux caméras-piétons avait commencé à croître bien avant leur déploiement. Et avec l’opinion publique, la municipalité et le Met sur la même longueur d’onde, l’équipe de projet a pu identifier plus de 20 objectifs. Mais rapidement, l'équipe de performance et de gouvernance a ressenti le besoin de les affiner. 

Mike raconte : « Quand nous avons commencé le déploiement, nous nous sommes rendu compte que nos objectifs étaient abstraits. Un bon exemple est l’analyse de rentabilisation. Nous avions fixé comme objectif que les caméras-piétons devaient se rentabiliser en réduisant le nombre de plaintes contre les agents et donc les frais liés aux litiges. Depuis le déploiement des caméras, les plaintes ont diminué de 40 %, un bel accomplissement. Mais en réalité, il est difficile de déterminer quelle part est directement attribuable aux caméras-piétons et donc quel avantage financier elles apportent. »

L’équipe de Mike a réduit les objectifs du projet à huit. Ils ont établi une mesure de référence pour chaque objectif, avec notamment un suivi de la confiance du public dans les caméras-piétons, un enregistrement de tous les incidents liés à un contrôle avec fouille et une hausse des dénouements positifs au pénal et des plaider coupable tôt dans la procédure. Un tableau de bord permettait de suivre les objectifs. Et tous les mois, Mike présentait les résultats aux commandants des arrondissements pour leur montrer où ils se situaient par rapport à leurs pairs. Il déclare : « Ça, c’est la principale leçon que je retiens : l’important est de fixer des objectifs quantifiables au démarrage. Ils servent non seulement à justifier les dépenses, mais aussi à inciter les équipes à adopter les bonnes pratiques. »

 

3 : la phase de déploiement : emporter l’adhésion de la population 

Même si le déploiement des caméras-piétons avait le soutien massif des Londoniens, quelques doutes subsistaient quant à leur utilisation. De plus, la capitale avait un problème avec certaines communautés qui se sentaient plus ciblées que les autres par les contrôles d’identité. L’équipe caméras-piétons a travaillé en étroite collaboration avec les communautés pour s’attaquer de front aux deux problèmes. En partenariat avec les groupes de suivi communautaires du Met, les agents ont rencontré régulièrement les leaders des communautés locales. Ils ont sélectionné au hasard des enregistrements de contrôles d’identité pour discuter ensemble de la pertinence du contrôle et de la façon dont l’interaction s’est déroulée. Un feedback constructif a été transmis aux agents. 

« Le Met reçoit à juste titre beaucoup de félicitations pour ce niveau de transparence », déclare Mike. « Et comme les contrôles deviennent plus fréquents dans le cadre de la lutte contre les attaques au couteau, je pense que les communautés seront désormais moins réticentes car elles comprennent mieux les raisons de ces évolutions. Depuis que nous avons déployé les caméras, l’enregistrement des contrôles d’identité a également augmenté, passant de 40 % à près de 100 %, ce qui constitue un progrès majeur pour les agents, les personnes contrôlées et les communautés. Cela protège la vérité et assure la transparence. »

 

4 : la phase de déploiement : former les formateurs – et rester souple 

Si les caméras-piétons sont intuitives dans leur utilisation, l’approche complète d’enregistrement et de gestion des vidéos exige une formation. Au Met, le challenge était d’assurer une telle formation dans une organisation aussi vaste. La solution a été la formation en ligne. Les agents devaient présenter leur attestation de formation pour pouvoir recevoir leur caméra. Des « super utilisateurs » ont aussi été formés pour chaque commissariat et ils ont pu aider leurs collègues. Il est également judicieux d’avoir une équipe de projet dédiée composée d’agents, de techniciens et d’analystes de données.

Il est particulièrement important d’avoir des agents dans l’équipe. Mike explique pourquoi avec cet exemple : « Il n’est pas rare qu’un technicien suggère que le meilleur endroit pour les stations des caméras est à proximité d’une boîte de jonction, alors que les agents veulent en fait les avoir sous la main dans leur salle de pause. De petites nuances comme celles-ci peuvent faire une grande différence dans la façon dont les agents s’approprient l’équipement. »

Il est également recommandé que l’équipe de projet soit conservée après le déploiement. La principale raison est que les produits SaaS tels qu’Axon Evidence sont mis à jour en continu. Même si c’est un énorme plus pour l’optimisation des investissements, les améliorations logicielles doivent être validées et testées pour vérifier leur adéquation. À ce sujet, Mike commente : « On ne peut pas partir du principe que les nouvelles fonctionnalités seront tout simplement intégrées à la pratique quotidienne. Les plateformes de formation doivent donc être faciles à mettre à jour pour que les cours restent en phase avec les protocoles du service et les nouvelles possibilités offertes aux agents. La solution évidente est un portail de formation en ligne avec des mises à jour des ressources envoyées à tous les agents qui en ont besoin. »

 

5 : la phase de déploiement : faire la promotion du déploiement 

Dans le secteur public, les budgets sont parfois serrés. C’est pourquoi la technologie est parfois abordée dans un esprit de bidouillage et de rafistolage, avec des équipes qui ont l’impression de devoir supporter et non apprécier les équipements et les systèmes. 

Les caméras-piétons ont représenté une évolution majeure dans l’équipement et l'équipe de projet a voulu marquer le coup. Tous les agents ont reçu une trousse de goodies contenant des écouteurs, des fiches pédagogiques à distribuer au public pour expliquer pourquoi des caméras sont utilisées, et la trousse elle-même qui sert aussi de nettoyeur de lentille. « Un déploiement de 22 000 caméras représente un gros investissement », affirme Mike. « Nous voulions qu’en recevant ces appareils, les agents aient la même impression qu’en déballant un nouvel iPhone. Cela a permis aux agents de mieux s’approprier leur caméra et d’en prendre plus grand soin. » 

 

Pour en savoir plus 

Deux études de cas détaillent le déploiement de caméras-piétons par le Met :